La maison des vieux cons

Le 6 Septembre 2011

Je viens de terminer Mon chien Stupide de John Fante, le roman le plus drôlement désespéré sur le temps qui passe. Comme n'importe quel mortel, la vieillesse m'obsède moi aussi. Lorsqu'il m'arrive de boire avec démesure, je fais souvent mon numéro d'exorciste de la peur en décrivant à l'assemblée le pronostic peu reluisant des années qui m'attendent. Souvent tout le monde rit sauf ma moitié qui me trouve lourd et morbide.

Partant du postulat que les hommes vieillissent moins bien que les femmes (qui me contredira?), je m'imagine, dans trente ans, être devenu un vieux chiant bramant à qui veut bien encore l'entendre qu'il est un éternel incompris. Mes enfants auront fondé leur famille, mes petits-enfants auront peur de moi et Anne m'aura quitté depuis belle lurette, épuisée par mon radotage et dégoûtée par mon déclin physique. Comme je m'ennuie seul, que je n'aime pas les chats et qu'il n'y aucune raison que mes congénères masculins évoluent mieux que moi, je me vois bien finir mes jours dans une petite maison en Toscane (repérée cet été) avec quelques vieux amis mâles tout aussi décatis que moi. Nous passerons nos journées loin du bruit et de la fureur à boire du vin de l'année sur notre terrasse ombragée. Le soir, une mamma du cru viendra nous préparer des pâtes all'amatriciana et nous amener encore plus de vin. De temps en temps, nos familles viendront nous voir le dimanche, nous serons heureux de les voir arriver et tristes de les voir repartir en fin d'après-midi. Alors, nous écouterons Art Tatum à toute berzingue en jouant au poker jusqu’à pas d’heure. Puis, lentement, un par un, nous nous éteindrons en laissant la place à un plus vaillant que nous et nos cendres seront dispersées le long des oliviers. Et puis, je sais pas.

Ce matin, mon talentueux ami Nicolas Dervichian m’a envoyé des photos de ses voisins de la Creuse qu’il a prises cet été. C’est exactement comme ça que je me vois.  Nicolas, que fais-tu dans 30 ans?, j'ai un plan...